La fistule

La fistule obstétricale est la constitution d’une communication anormale entre le vagin et la vessie et/ou le rectum. Elle survient à la suite d’accouchements difficiles et prolongés dans un milieu dépourvu de structures de soins obstétricaux adaptés.
La tête du fœtus, bloquée dans la filière génitale trop étroite, comprime les tissus du vagin, de la vessie et/ou du rectum, empêchant leur oxygénation par le sang, ce qui provoque leur mort. À la tombée des tissus nécrosés, un trou se forme : la fistule. Les femmes ont alors un écoulement permanent d’urines (incontinence urinaire totale permanente) et parfois de selles par le vagin. La plupart du temps le fœtus ne survit pas.
Le plus souvent, les fistules surviennent chez les très jeunes femmes dont le bassin n'est pas pleinement développé du fait de leur jeune âge ou de la malnutrition. Mais finalement, chaque fois qu’un accouchement est dystocique (dystocie = le passage du fœtus n’est pas simple dans la filière génitale) et que la femme ne peut pas avoir accès à une maternité avec des compétences en obstétrique, elle est à haut risque de mourir, de perdre son enfant et d’avoir une fistule si elle survit. De façon plus rare, mais non moins tragique, les fistules peuvent être dues à d’autres causes traumatiques dont les agressions sexuelles (viols et mutilations sexuelles en particulier en zone de guerre), les mutilations génitales féminines ou plus rarement les maladies infectieuses.

Épidémiologie
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La fistule obstétricale est un problème de santé publique dans les pays en développement. Elle concerne surtout l’Afrique sub-saharienne et l’Asie du Sud. Plus de 2 millions de femmes en souffriraient. La survenue de fistule obstétricale fréquente est considérée par l’OMS comme un marqueur fiable des carences d’un système de soins pour la femme enceinte. Les fistules obstétricales sont exceptionnelles aujourd’hui dans les pays développés où elles ont pourtant été fréquentes jusqu’au début du 20ème siècle.
Selon le FUNAP (Fond des Nations Unies pour l’Aide aux Populations), l’incidence des accouchements difficiles est estimée à près de 6,5 millions de cas/an dans les pays défavorisés, entraînant une incidence annuelle théorique de près de 130 000 nouvelles fistules obstétricales. Il s’agit de la complication non mortelle, la plus grave et la plus fréquente, des accouchements dans ces pays.

Conséquences des fistules obstétricales
Les femmes atteintes de fistules obstétricales perdent en permanence, par le vagin, leurs urines et parfois aussi leurs selles. Elles souffrent de l’humiliation constante de dégager une odeur repoussante. Souvent rejetées par leur époux ou leur partenaire, évitées par leur communauté et blâmées de leur état, elles vivent dans l’isolement, la honte et le désespoir.
A leur peine d’avoir mis au monde un enfant mort-né, s’ajoute alors le supplice de la fistule.
Les
femmes non soignées peuvent s’attendre, non seulement à une vie de honte et d’isolement, mais risquent aussi de connaître une mort lente et prématurée par infections et insuffisance rénales.
Parce qu’elles sont pauvres et ne comptent pas sur le plan sociétal et politique, ces femmes sont restées dans une large mesure invisibles aux responsables, tant à l’intérieur qu’en dehors de leur pays. Pourtant, dans plus de 90% des cas, elles pourraient être guéries et retrouver une vie digne au sein de leur communauté.
Jacques Milliez, dans son livre “La santé des femmes dans les pays en voie de développement“ résume parfaitement la situation des femmes fistuleuses :

“Parmi les jeunes femmes, souvent les plus jeunes, il en est qui ne peuvent accéder aux points d’eau que la nuit, les ilotes, les exclues : elles portent en elles depuis leur accouchement, une fistule pelvienne, vésico-vaginale ou recto vaginale. À cause d’une disproportion fœto-pelvienne, d’un bassin exigu, d’un fœtus un peu gros ou mal orienté, elles ont accouché d’un enfant né sans vie. Elles ont échappé à la mort, à la rupture utérine, à la septicémie. Mais le travail d’accouchement a été interminable, il a duré des jours et des jours, la tête du fœtus est restée bloquée dans leur bassin. Alors les parois du vagin se sont nécrosées sur les points d’appui, la vessie ou le rectum se sont délités sous la pression. Après la délivrance elles ont perdu du liquide, de l’urine. Après les quarante jours elles se sont refusées au mari, après deux mois il les a répudiées. Elles sont retournées chez leurs parents, bouches inutiles et nauséabondes, impropres même à la prostitution, elles ne se lavent qu’au point du jour, avec les bêtes. Elles sont ainsi sans doute plus de deux millions dans le monde, en Afrique, en Asie, entre 50 000 et 150 000 de plus chaque année, en attente de traitement. La chirurgie peut guérir, en un seul temps, plus de 80 % d’entre elles, à condition de pouvoir accéder à l’un des centres spécialisés de prise en charge, telle la Clinique des Fistules d’Addis Abeba, ou aux organisations non gouvernementales francophones d’urologues et de gynécologues bénévoles, qui, après les avoir opérées, et cicatrisé leurs stigmates, s’attachent aussi à les resocialiser, à les réintégrer dans leurs droits.“
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L'incontinence permanente, parfois des années durant.